Olivier C.

19,00
Conseillé par (Libraire)
1 octobre 2021

Dans " Ce qui manque à un clochard " Nicolas Diat dessine le portrait d'un homme dont l'existence nous émeut et nous questionne. Clochard , poète, dessinateur, photographe, Marcel Bascoulard - 1913-1978, fut un artiste qui a choisi la misère et la solitude comme mode de vie. Toute sa vie se passa à Bourges, vivant dans des cabanes ou cabines de camions, fier de n'être rien; l'amour infini de sa mère lui ayant donné la force d'affronter les épreuves d'une vie déclassée.
D'un premier abord peu engageant, sale, malodorant, travesti, habillé de robes qu'il aimait dessiner et confectionner lui même, il sut pourtant s'attirer l'amitié des petites gens par son esprit facétieux et ses talents artistiques.
La vente de ses dessins lui permit peu à peu de survivre à sa détresse, de connaitre une certaine notoriété locale, puis la reconnaissance du monde de l'art. Mais son mépris de l'argent, son dégout du commerce avec la société bourgeoise lui interdira tout succès de son vivant. Communiste un peu, anarchiste un peu , individualiste beaucoup, sa force fut d'être inatteignable à la laideur, la bêtise, la cruauté du monde moderne.
Nicolas Diat nous fait connaitre surtout un homme profondément mystique- la cathédrale de Bourges fut le thème préféré de ses dessins - cherchant Dieu resté pourtant invisible; mais aussi bruyamment anticlérical quand l'Eglise se range au coté des puissants.
Bref, attendez -vous à découvrir un artiste, qu'il me semble, Saint François d' Assise aurait embrassé comme un frère.

Conseillé par (Libraire)
14 septembre 2021

On connait peu l'Histoire du Guatemala. Dire " peu ", c'est ici pour dire plutôt " pas du tout ". Aussi quand un Prix Nobel de littérature nous entraine dans cette Histoire tumultueuse, le lecteur curieux d'aventures politiques peu banales frétille d'impatience.
En 1950, le Guatemala est un petit pays arriéré, féodal, aux préjugés racistes tenaces. Le nouveau Président Arbentz , à l'optimisme innocent, veut moderniser et démocratiser cette République. Aussitôt de nombreux ennemis se mobilisent, grands propriétaires terriens, chefs d'entreprises, la majorité des officiers supérieurs, tous anticommunistes et réactionnaires. Le Président démocrate renversé , arrive une période de putschs militaires successifs...
A l'extérieur le dictateur dominicain Trujillo manipule chacun à son avantage, de Washington ou de Miami, les gringos pilotent cette machinerie sans vergogne. A chaque fois l'Archevêque de Guatemala béni les puissants du moment.
Avec une construction virtuose mais ardue, M Vargas Llosa retrace ces péripéties à hauteur d'homme. Et les portraits sont savoureusement féroces. On respire les ambitions, les égos surgonflés, le ressentiment, la médiocrité, le sadisme de ces apprentis Caudillos..
Tous sont fiers d'être supérieurement machistes...
Mario Vargas Llosa nous montre surtout que dans cette histoire le peuple guatémaltèque ne joue aucun rôle.
Ici " aucun " veut bien dire "aucun ".

Conseillé par (Libraire)
3 août 2021

En lisant " Au Printemps des monstres " on pense aussitôt au roman de Truman Capote " De Sang froid " ou aux enquêtes de James Ellroy , bien qu'ici , le crime se soit passé chez nous , en 1964 , dans la France du général De Gaulle , au coeur des "trente Glorieuses " ..
Glorieuses , pas toujours , enfin , pas pour tout le monde!
Philippe Jeanada raconte l'enlèvement à Paris du "P'tit " Luc Taron retrouvé gisant dans le bois de Verrières , mort à 11 ans . Quelques jours après , un prétendu " étrangleur " s'accuse du crime et s'amuse à jouer avec les nerfs de la police , de la presse , du public, de la France entière mortifiée.750 pages justifient Jeanada a reprendre le fil de l'enquête policière , du procès et a réexaminer point par point le processus judiciaire revenant dans le détail sur les témoignages , les vérités , les contre-vérités , les contre-contre-vérités accumulées... Un Paris "noir" - où plane l'ombre de Modiano - émerge de ce marigot où la laideur , la bêtise , la bassesse au relent hideux de la collaboration- pas si lointaine - s'épanouissent comme du chiendent .
Heureusement , Ph Jeanada possède l'art d'humaniser cette bestialité ; l'ironie , l'amusement même qu'il distille confond le lecteur devant cette noirceur . On jubile presque des plus sombres , des pires comportements humains...
On préfère souvent la concision , la rapidité ; mais ici , la persévérance , l'opiniâtreté de l'auteur s'avère autrement féconde .

Consul général de france

Gallimard

Conseillé par (Libraire)
19 mai 2021

Monsieur Romain Gary

Exauçant le désir chéri de sa mère - devenir diplomate - Romain Gary est nommé en 1956 Consul général de France à Los Angelès .
Cet épisode californien de 1954 à 1960 est au coeur du récit de E Spire et relate les années les plus lumineuses et les plus fécondes de la vie du romancier.
Las-bas Gary peut déployer son orgueil de la France , son talent oratoire lui permet de séduire un public incrédule pour expliquer la décolonisation , la guerre d'Algérie et le retour au pouvoir du général De Gaulle...
Pourtant , peu à peu Romain Gary va être accaparé par ses deux autres passions ; la littérature et les femmes.
Durant son séjour américain , il reçoit le prix Goncourt et gagne la faveur du public , il écrit -en anglais - "Lady L " et achève son oeuvre la plus personnelle " La Promesse de l'aube " .
Marié , mais infidèle Gary profite de la liberté de la côte ouest , et use de son charme exotique pour multiplier les conquêtes , ceci jusqu'à sa rencontre avec Jean Seberg . Son mariage avec l'actrice américaine a la beauté sidérante sera son acmé sociale et sa gloire intime.
Avec la rigueur de l'historien et la fluidité du romancier , E Spire dévoile derrière l'homme de tous les succès , un être touchant et complexe . Chez Gary la mémoire des jours heureux n'efface pas le " chien noir" qui le guette sans cesse . On découvre un homme doutant toujours , affamé toujours , insatisfait toujours , hyper sensible , terriblement fragile...

Conseillé par (Libraire)
12 mars 2021

Régis Jauffret raconte Gustave Flaubert avec la liberté du romancier . Dans cette biographie imaginaire - personnages de fiction et réels mélangés - le père d'Emma Bovary se révèle un héros multiple , paradoxal , toujours surprenant . Ainsi on découvre un " ours " réfugié dans son " gueuloir " de Croisset mais aussi attiré vers Paris pour des virées mondaines ; ballotté toujours entre la Normandie et le désir d'Orient ; partagé entre la fréquentation des femmes et les amitiés masculines - ou l'inverse s'amuse R Jauffret -.
Rentier , amateur de bonne chère Flaubert vitupère pourtant sans cesse contre les moeurs bourgeoises ; homme aimant , attentionné avec sa famille , sa mère , sa nièce Caroline , il se permet d'être dur , féroce , méprisant avec les fâcheux , " jamais gentil avec les cons " ...
Bref , ce Flaubert est vraiment trop ; trop extravagant , trop fougueux , palpitant sans arrêts , incorrigible bavard en société , mais surtout travailleur acharné, besogneux du style à l'excès , souffreteux et misanthrope . Admiratif et envieux , son ami Maxime Du Camp lui soupirait " ton talent t'emporte ... "
Régis Jauffret , lui , pardonne à Flaubert sa démesure parce qu'elle est le prix à payer pour incarner l'écrivain absolu .