Dans la lumière des peintres

Adrien Maeght

JC Lattès

  • Conseillé par (Libraire)
    16 août 2019

    Les mémoires d'Adrien

    Fils du couple fondateur de la galerie et de la Fondation Maeght, mondialement reconnue, Adrien Maeght raconte une des plus grandes aventures artistiques du XX ème siècle. Un texte en forme de testament. Et de plaidoyer.

    Dans les dernières pages de son livre « La Saga Maeght », Yoyo Maeght écrivait: « Si Papa possède encore des capacités de jugement, va t’il faire un bilan de sa vie et prendre conscience qu’il s’est privé de l’essentiel? ». Prenant sa fille au mot, sans jamais évoquer ce défi, à l’aube de sa vie, Adrien Maeght, fils de Aimé et Marguerite Maeght, couple fondateur de la plus grande galerie d’art moderne au monde du XX ème siècle et de la Fondation de St Paul de Vence, trace effectivement dans ce livre un bilan de sa vie et répond aux reproches d’une de ses filles. C’est qu’il est terrible le paradoxe de cette famille au firmament de l’histoire de l’art et totalement détruite par des guerres familiales intestines où les perquisitions succèdent aux procès. Sans doute avec l’âge, Adrien a aujourd’hui 89 ans, la tolérance et la compréhension priment sur le combat et la confrontation. Le livre d’Adrien Maeght est donc dénué de toutes violences et répond explicitement avec pudeur à toutes les accusations d’une vie familiale broyée. Quand Yoyo glorifie son grand père Aimé, à qui elle dresse une statue d’airain, Adrien préfère expliquer son comportement jugé d’enfant gâté ou d’incapable, lui qui sera en froid permanent avec son père dès l’enfance mais sera adoré de sa mère qui lui lèguera à sa mort sa moitié du patrimoine des Maeght, provoquant le début de 50 ans de procédure.
    On se dit alors que l’art, l’argent, le pouvoir rendent fous. Qui aurait pu imaginer que Aimé Maeght, orphelin de guerre, titulaire d’un CAP de dessinateur lithographe et Marguerite, sans aucun diplôme, allaient rencontrer, faire vivre, vendre, exposer et côtoyer les plus grands peintres du siècle dernier? Adrien nous aide à remonter cette histoire fabuleuse, déjà bien connue mais agrémentée du regard d’un adolescent qui a vécu ces moments privilégiés. La première rencontre avec Bonnard au Canet et l’incroyable dialogue avec Mme Maeght, totalement ignorante des prix pratiqués par le peintre ou les séances de pose avec Matisse racontent mieux que jamais des moments privilégiés de vie et donnent encore plus d’ampleur à la légende. Bonnard sera l’ami, le mentor de Aimé. Matisse sera le pilier des débuts économiques. Braque, à qui Adrien consacre de nombreuses pages tendres et belles sera l’ami fidèle jusqu’à sa mort en 1963.
    Elle devait posséder quelque chose de particulier cette famille. Certainement un amour véritable et sincère pour ses créateurs, si différents du commun des mortels et une véritable passion pour l’art. Et l’on ne peut que croire Adrien Maeght quand il explique son amour des oeuvres qu’il côtoie au quotidien dans la galerie, dans son appartement ou chez les artistes. Même sans révélation fracassante, on lit, ou relit, avec plaisir les portraits de Miro, ami infaillible, les exigences formelles de Giacometti, la gentillesse enfantine de Calder, la jalousie de Chagall. Et les repas du samedi chez les Braque autour du fameux « gigot d’agneau ».

    Ainsi se lit ce livre, entre témoignage passionnant du monde de l’art pendant un demi siècle et une sordide histoire familiale, dans laquelle l’amour est inégalement réparti. Adrien Maeght écrit au début de son livre qu’il a « adoré » sa mère et qu’il a « beaucoup aimé » son père. Une nuance affective qui explique probablement en partie la déliquescence familiale. Avec le pouvoir. L’argent. Et la démonstration que l’Art ne peut pas, seul, rendre totalement heureux.

    Eric