La Fin des territoires, Essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect
EAN13
9782213652368
Éditeur
Fayard
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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La Fin des territoires

Essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect

Fayard

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Du dépassement de la société féodale jusqu'au traité de Versailles, la
conception politique du territoire n'a cessé de se préciser. Support exclusif
de l'autorité, celui-ci a eu pour fonction de dessiner le cadre des
allégeances individuelles, celui du contrôle et de l'allocation. Il a doté la
vie internationale de ses principes fondateurs en la concevant comme une
réunion d'unités souveraines.

Cette construction est désormais ébranlée, victime de la modernité, de la
mobilisation accrue des individus, des progrès de la communication, du retour
du particularisme et de l'ethnicisme. Trop étroit pour faire face au
développement des échanges, il est jugé trop vaste pour s'adapter aux besoins
de la nouvelle quête identitaire. Il est de moins en moins admis comme support
d'une identité politique citoyenne et de plus en plus toléré ou réclamé comme
l'instrument d'une identité religieuse ou ethnique. A mesure que la définition
politique des peuples s'efface, l'affirmation des droits d'autodétermination
suppose une remise en cause globale et désacralisée des territoires. Il en
découle un désordre qui semble échapper aux règles de la géographie politique
et où la complexité des réseaux modernes et l'enchevêtrement des identités
traditionnelles l'emportent conjointement sur l'appartenance à un territoire.

La montée en puissance des flux transnationaux, l'essor des réseaux tout comme
la mise en échec de la relation citoyenne un peu partout affaiblissent
inévitablement _ en particulier hors d'Europe _ le territoire de l'Etat-nation
qui peut de moins en moins prétendre bénéficier de l'allégeance prioritaire
des individus. Il se forme des tendances où le multiple semble triompher de
l'un: d'une Europe pluri-spatiale à une Asie orientale faite de réseaux
ouverts, on devine de nouvelles divisions du travail, des façons inédites de
penser la multiplicité des fonctions à travers la multiplicité des espaces et
des allégeances.

La fin des médiations territoriales peut annoncer aussi l'avènement d'une
mondialisation manquée et ne conduire directement ni à l'émancipation de
l'individu ni à la construction d'une société mondiale. Atteindre ces deux
objectifs suppose que la dimension universaliste dont était porteur le
principe de territorialité soit réinvestie ailleurs, que le respect de l'autre
devienne une valeur transnationale, à un moment où aucune institution n'a les
moyens de l'imposer par la contrainte.

Bertrand Badie est professeur de science politique à l'Institut d'études
politiques de Paris. Il a publié chez Fayard Les Deux Etats (1987) et L'Etat
importé (1992).
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