One-Shot, Les Fossoyeuses

Taina Tervonen

Marchialy

  • Conseillé par (Libraire)
    17 avril 2021

    Le coup de coeur d'Allan

    L'image est lointaine. J'approche de mes 10 bougies à la fin des années 90 quand j'entends pour la première fois parler de la guerre du Kosovo. Minot à l'époque, je ne devine pas que le conflit n'est que la suite d'une trop longue succession de guerres sales dans la vieille poudrière des Balkans, ex-Yougoslavie continuant d'éclater bientôt 20 ans après la mort de Tito en une éruption de haine et de violence dont on ne pensait plus jamais être les témoins en Europe.
    Sur l'autel des nationalismes, les gisants se comptent par millier. Et la Bosnie-Herzégovine paye le plus lourd tribu. Le conflit a dégénéré en nettoyage ethnique. En génocide dans l'enclave de Srebrenica. Le rêve obscène et paranoïaque d'une grande Serbie est mort au terme de 10 années de chaos et de vies ensevelies. Dans le monde des vivants, demeure des souvenirs tourmentés et des deuils inconcevables. Dans celui des morts, un silence absolu qui résonne jusque dans le monde des vivants. Entre les deux, il y a des milliers d'âmes sans visages enfouies dans des charniers qu'on libère de dessous terre lorsque les langues se délient et seulement quand elles se délient. Silence chez les bourreaux, chez les témoins, chez ceux qui n'ont rien vu ou voulu voir comme chez les victimes qui n'ont plus toujours la force de parler. Certains se sont exilés. D'autres sont restés ou on finit par revenir. Silence, comme un prix à payer pour pouvoir vivre ensemble de nouveau.
    « Les fossoyeuses » est le travail immense et la quête essentielle de trois femmes. Taina, une journaliste indépendante finlandaise. Senem, une anthropologue judiciaire bosniaque et Darija, une enquêtrice serbe. Trois grandes femmes qui se sont consacrées durant des années à faire parler les morts et les vivants, à rendre leur visage et leur humanité aux disparus et à réparer les humains dans un pays traumatisé par la guerre. La tâche est herculéenne. A la fin du conflit, des corps furent déplacés pour cacher les preuves dans des charniers secondaires. Quinze ans plus tard, le travail d'identification est un cauchemar.
    Dans les terres de Tomašica, la découverte d'un charnier primaire et de centaines de corps encore en décomposition fait ressurgir du passé une guerre de souillures. Une guerre avec ses images encore vives, ses fracas et ses odeurs qui collent à la peau... Une fosse béante, des tranchées, un paysage de désolation qui rappelle brutalement que le crime est encore frais. Au beau milieu de la brume, Senem et son équipe plonge leurs mains dans les entrailles de la fosse. L'espoir est grand pour les familles qui n'ont jamais pu faire leur deuil. La douleur, parfois insurmontable. Les politiciens, jamais bien loin dans leur entreprise de récupération. Mais absents quand on a réellement besoin d'eux et surtout de moyens, ne serait-ce que pour conserver la dignité des morts.
    « Un charnier est un sale boulot ». Et la journaliste Taina est venue là pour témoigner. Écrire. Filmer. Comprendre la vérité. Capter aux côtés de Darija toutes les voix des sans voix. Rompre les silences. Ecouter les histoires. Arrachez des aveux. Parvenir à prélever quelques gouttes de sang pour recoller les morceaux. Accompagner Senem et Darija dans leur éprouvant combat. Questionner le sens d'un pareil chemin de croix. Embrasser tout ce qu'il y a d'humanité chez elles et les leurs. Accomplir par là une nécessaire œuvre de paix.
    Allan


  • Conseillé par (Libraire)
    23 avril 2021

    Un tour de force !

    Un charnier, vous en conviendrez, c'est moyennement vendeur. Mais c'est pourtant là que réside le tour de force de Taina Tervonen. Dix ans durant, cette journaliste va suivre le travail herculéen de Senem, anthropologue judiciaire et Darija, enquêtrice. En Bosnie-Herzégovine, pays hanté par les guerres des Balkans, l'une est chargée de chapeauter les fouilles et d'identifier les ossements humains retrouvés dans des charniers, tandis que l'autre, responsable des vivants, se rend dans les familles des disparus prélever leur ADN et consigner leurs histoires.
    "De ce qui se passe au moment où la terre s’ouvre pour laisser remonter le passé, je ne savais rien". Et nous non plus. Alors on découvre avec elle. "Un charnier ce n'est pas une idée. Un charnier c'est du boulot." C'est une équipe d'archéologues, une valse de légistes, un tourbillon de parents endeuillés, des litrons de café et des kilos de bonne volonté et d'ingéniosité pour palier le cruel manque d'investissement public. Le tour de force, donc, le voilà : nous ouvrir les yeux avec sensibilité et sans sinistrose aucune sur le caractère concret et puissamment humain d'une réalité qui nous rebute - celle des massacres de masse, et de ce qu'il se passe quand la guerre laisse ressurgir ses traces à la surface de la terre. Faites-nous confiance, attrapez la main tendue de cette journaliste qui nous guide avec rythme et finesse sur le chemin de la paix.